Le lion se jeta contre le mur, griffes en avant ; puis il y alla de la tête sans autre résultat que de se mettre en sang, le mur ne céda point. Alors l'âne se retourna et attaqua le mur à grands coups de sabots de ses pattes arrière, démantibulant les moellons et le mur s'effondra.

" Alors, crois-tu maintenant que je suis plus fort que toi ? demande l'âne. Et je puis en faire bien d'autres ! Regarde ces chardons ! Si tu y touches, ils te piqueront ! Moi, je suis si fort que je peux les manger ! "

Et l'âne se mit à dévorer les chardons à belles dents.

Le lion n'en revenait pas d'étonnement et finit par déclarer :

" Je vois bien maintenant que tu es réellement plus fort et plus puissant que moi ! "

Le lendemain, il convoqua l'assemblée plénière de tous les lions de la terre et on y élit l'âne Superlion, roi de toute la gent animalière ...

De ce jour, l'âne vécut heureux comme un roi et il était un roi aimé de ses sujets car il ne faisait jamais tort à personne. Il ne réclama jamais ni contributions, ni impôts. Il n'avait besoin que d'herbe et de quelques chardons, et cela croît partout en abondance.

Quel dommage qu'un si aimable souverain dût mourir ! Un matin, les lions le retrouvèrent gisant mort sur le pré. Ils lui firent des funérailles royales et le pleurèrent longtemps, bien longtemps. Aujourd'hui encore, quand il leur arrive de penser à lui, ils poussent des rugissements tellement sinistres que toutes les autres bêtes se sauvent bien loin.