• Les mémoires d'un âne ( 14 )

    XIV - THÉRÈSE

     

    Mes petites maîtresses (car j'avais autant de maîtres et de maîtresses que la grand'mère avait de petits-enfants) avaient une cousine qu'elles aimaient beaucoup, qui était leur meilleure amie, et à peu près de leur âge. Cette amie s'appelait Thérèse ; elle était bonne, bien bonne, la pauvre petite. Quand elle me montait, jamais elle ne prenait de baguette, et ne permettait à personne de me taper. Dans une des promenades que firent mes jeunes maîtresses, elles virent une petite fille assise sur le bord de la route, qui se leva péniblement à leur approche, et vint en boitant leur demander la charité ; son air triste et timide frappa Thérèse et ses amies.
    —Pourquoi boites-tu, ma petite ? dit Thérèse.
    La petite :—Parce que mes sabots me blessent, mam'selle.
    Thérèse :—Pourquoi n'en demandes-tu pas d'autres à ta maman ?
    La petite :—Je n'ai pas de maman, mam'selle.
    Thérèse :—A ton papa alors ?
    La petite :—Je n'ai pas de papa, mam'selle.
    Thérèse :—Mais avec qui vis-tu ?
    La petite :—Avec personne ; je vis seule.
    Thérèse :—Qui est-ce qui te donne à manger ?
    La petite :—Quelquefois personne, quelquefois tout le monde.
    Thérèse :—Quel âge as-tu ?
    La petite :—Je ne sais pas, mam'selle ; peut-être bien sept ans.
    Thérèse :—Où couches-tu ?
    La petite :—Chez celui qui veut bien me recevoir. Lorsque tout le monde me chasse, je couche dehors, sous un arbre, près d'une haie, n'importe où.
    Thérèse :—Mais l'hiver, tu dois geler ?
    La petite :—J'ai froid ; mais j'y suis habituée.

    Thérèse :—As-tu dîné aujourd'hui ?
    La petite :—Je n'ai pas mangé depuis hier.
    —Mais c'est affreux, c'la,... dit Thérèse, les larmes aux yeux. Mes chères amies, n'est-ce pas que votre grand'mère voudra bien que nous donnions à manger à cette pauvre petite, que nous la fassions coucher quelque part au château ?
    —Certainement, répondirent les trois cousines, grand'mère sera enchantée ; d'ailleurs elle fait tout ce que nous voulons.
    Madeleine :—Mais comment faire pour la mener jusqu'à la maison, Thérèse ? Regarde comme elle boite.
    Thérèse :—Mettons-la sur Cadichon ; nous suivrons toutes à pied au lieu de le monter deux à deux, chacune à notre tour.
    —C'est vrai, quelle bonne idée ! s'écrièrent les trois cousines.
    Elles placèrent la petite fille sur mon dos.

     

    Fête de l'âne promenades


    Camille avait encore dans sa poche un morceau de pain qui restait de son goûter, elle le lui donna ; la petite le mangea avec avidité ; elle semblait ravie de se trouver sur mon dos, mais elle ne disait rien ; elle était fatiguée et elle souffrait de la faim.
    Quand j'arrêtai devant le perron, Camille et Elisabeth firent entrer la petite à la cuisine, pendant que Madeleine et Thérèse couraient chez la grand'mère.
    —Grand'mère, dit Madeleine, permettez-nous de donner à manger à une petite fille très pauvre que nous avons trouvée sur la route.
    La grand'mère :—Très volontiers, chère petite ; mais qui est-elle ?
    Madeleine :—Je ne sais pas, grand'mère.
    La grand'mère :—Où demeure-t-elle ?
    Madeleine—Nulle part, grand'mère.
    La grand'mère :—Comment, nulle part ? Mais ses parents doivent demeurer quelque part.

    Madeleine :—Elle n'a pas de parents, grand'mère ; elle est seule.
    —Voulez-vous permettre, ma tante, dit timidement Thérèse, qu'elle couche ici, cette pauvre petite ?
    —Si elle n'a réellement pas d'asile, je ne demande pas mieux, dit la grand'mère. Il faut que je la voie et que je lui parle.
    Elle se leva et suivit les enfants à la cuisine, où la pauvre petite approcha tout en boitant. La grand'mère la questionna et en obtint les mêmes réponses. Elle se trouva fort embarrassée. Renvoyer cette enfant dans l'état d'abandon et de souffrance où elle la voyait lui semblait impossible. La garder était difficile. A qui la confier ? Par qui la faire élever ?
    —Ecoute, petite, lui dit-elle : en attendant que je puisse prendre des informations sur ton compte et savoir si tu m'as dit la vérité, tu coucheras et tu mangeras ici. Je verrai dans quelques jours ce que je puis faire pour toi.
    Elle donna ses ordres pour qu'on préparât un lit pour l'enfant et qu'on ne la laissât manquer de rien. Mais la pauvre petite était si sale, que personne ne voulait ni la toucher ni l'approcher. Thérèse en était désolée ; elle ne pouvait obliger les domestiques de sa tante de faire ce qui leur répugnait.
    —C'est moi, pensa-t-elle, qui ai amené cette petite ; ce serait moi qui devrais en avoir soin. Comment faire ?
    Elle réfléchit un instant ; une idée se présenta à son esprit.
    —Attends, ma petite, dit-elle ; je vais revenir tout à l'heure.
    Elle courut chez sa maman.
    —Maman, dit-elle, je dois prendre un bain, n'est-ce pas ?
    La maman :—Oui, Thérèse, vas-y ; ta bonne t'attend.
    —Maman, voulez-vous me permettre de faire baigner à ma place la petite fille que nous avons amenée ici ?

    La maman :—Quelle petite fille ? Je ne l'ai pas vue.
    Thérèse : :—Une pauvre, pauvre petite, qui n'a ni papa, ni maman, ni personne pour la soigner ; qui couche dehors, qui ne mange que ce qu'on lui donne. La grand'mère de Camille consent à la garder, mais aucun des domestiques ne veut la toucher.
    La maman :—Pourquoi donc ?
    Thérèse :—Parce qu'elle est si sale, si sale, qu'elle est dégoûtante ; alors, maman, si vous voulez bien, je la ferai baigner à ma place ; pour ne pas dégoûter ma bonne, je la déshabillerai moi-même, je la savonnerai ; je lui couperai les cheveux, qui sont tout emmêlés et pleins de petites puces blanches, mais qui ne sautent pas.
    La maman :—Mais, ma pauvre Thérèse, toi-même ne seras-tu pas dégoûtée de la toucher et de la laver ?
    Thérèse :—Un peu, maman, mais je penserai que, si j'étais à sa place, je serais bien heureuse qu'on voulût bien me soigner, et cette idée me donnera du courage. Et puis, maman, voulez-vous me permettre, quand elle sera lavée, de lui mettre quelques-unes de mes vieilles affaires jusqu'à ce que je lui en achète d'autres ?
    La maman :—Certainement, ma petite Thérèse ; mais avec quoi lui achèteras-tu des vêtements ? Tu n'as que deux ou trois francs, tout juste de quoi payer une chemise.
    Thérèse :—Oh ! maman, vous oubliez ma pièce de vingt francs.
    La maman :—Celle que tu as donnée à garder à ton papa pour ne pas la dépenser ? Tu la conservais pour acheter un beau livre de messe comme celui de Camille.
    Thérèse :—Je peux bien me passer de ce beau livre de messe, maman, j'ai encore mon vieux.
    La maman :—Fais comme tu voudras, mon enfant ; quand c'est pour faire le bien, tu sais que je te donne une entière liberté.

    Sa maman l'embrassa, et elle alla avec elle pour voir cette petite fille que personne ne voulait toucher.
    «Si elle a quelque maladie de peau que Thérèse puisse gagner, se dit-elle, je ne permettrai pas qu'elle y touche.»
    La petite fille attendait toujours à la porte ; la maman la regarda, examina ses mains, sa figure, et vit qu'il n'y avait que de la saleté, mais aucune maladie de peau. Seulement, elle trouva ses cheveux si pleins de vermine, qu'elle demanda des ciseaux, fit asseoir la petite sur l'herbe, et lui coupa les cheveux tout court sans y toucher avec les mains. Quand ils furent tombés à terre, elle les ramassa avec une pelle, et pria un des domestiques de les jeter sur le fumier ; puis elle demanda un baquet d'eau tiède, et, avec l'aide de Thérèse, elle lui savonna et lava la tête de manière à la bien nettoyer. Après l'avoir essuyée, elle dit à Thérèse :
    —Maintenant, ma chère petite, va la faire baigner, et fais jeter ses haillons au feu.
    Camille, Madeleine et Elisabeth étaient venues aider Thérèse ; elles l'emmenèrent toutes quatre dans la salle de bain, la déshabillèrent malgré le dégoût que leur inspirait la saleté extrême de l'enfant et l'odeur qu'exhalaient ses haillons. Elles s'empressèrent de la plonger dans l'eau et de la savonner des pieds à la tête. Elles prirent goût à l'opération, qui les amusait et qui enchantait la petite fille ; elles la savonnèrent et la tinrent dans l'eau un peu plus de temps qu'il n'était nécessaire. A la fin du bain, l'enfant en avait assez et témoigna une vive satisfaction quand ses quatre protectrices la firent sortir de la baignoire ; elles la frottèrent, pour l'essuyer, jusqu'à lui faire rougir la peau, et ce ne fut qu'après l'avoir séchée comme un jambon, qu'elles lui mirent une chemise, un jupon et une robe de Thérèse.

    Tout cela allait assez bien, parce que Thérèse portait ses robes très courtes, comme le font toutes les petites filles élégantes, et que la petite mendiante devait avoir ses jupons tombant sur les chevilles : la taille était bien un peu longue, mais on n'y regarda pas de si près ; tout le monde était content. Quand il fallut la chausser, les enfants s'aperçurent qu'elle avait une plaie sur le cou-de-pied : c'était ce qui la faisait boiter. Camille courut chez sa grand'mère pour lui demander de l'onguent. La grand'mère lui donna ce qu'il fallait, et Camille, aidée de ses trois amies, dont l'une soutenait la petite, tandis que l'autre tenait le pied, et la troisième déroulait une bande, lui mit l'onguent sur la plaie ; elles furent près d'un quart d'heure à arranger une compresse et la bande ; tantôt c'était trop serré ; tantôt ce ne l'était pas assez ; la bande était trop bas, la compresse était trop haut ; elles se disputaient et s'arrachaient le pied de la pauvre petite, qui n'osait rien dire, se laissait faire et ne se plaignait pas. Enfin la plaie fut bandée, on lui mit des bas et de vieilles pantoufles à Thérèse, et on la laissa aller. Quand la petite fille revint à la cuisine, personne ne la reconnaissait.
    —Pas possible que ce soit cette petite horreur de tout à l'heure, disait un domestique.
    —Si, c'est la même, reprit un second domestique ; elle est tout autre, car la voilà devenue gentille, d'affreuse qu'elle était.
    Le cuisinier :—C'est tout de même bien beau aux enfants et à Mme d'Arbé de l'avoir nettoyée comme cela ; quant à moi, on m'aurait donné vingt francs, que je ne l'aurais pas touchée.
    La fille de cuisine :—C'est qu'elle sentait si mauvais !
    Le cocher :—Vous ne devriez pas avoir le nez si sensible, la belle, avec votre graillon, vos casseroles à écurer et toutes sortes de saletés à manier.

    La fille de cuisine, piquée :—Mon graillon et mes casseroles ne sentent toujours pas le fumier comme des gens que je connais.
    Les domestiques :—Ah ! ah ! ah ! la fille est en colère ; prends garde au balai.
    Le cocher :—Si elle prend le sien, je saurai bien trouver le mien, et la fourche aussi, et encore l'étrille.
    Le cuisinier :—Allons, allons, ne la poussez pas trop ; elle est vive : vous savez, faut pas l'irriter.
    Le cocher :—Tiens ! qu'est-ce que ça me fait, moi ? Qu'elle se fâche, je me fâcherai aussi.
    Le cuisinier :—Mais je ne veux pas de ça, moi, madame n'aime pas les disputes ; il est bien certain que nous aurions tous du désagrément.
    Le premier domestique :—Le Vatel a raison. Thomas, tais-toi, tu nous amènes toujours quelque chose comme une querelle. Ce n'est pas ta place ici, d'abord.
    Le cocher :—Tiens ! ma place est partout quand je n'ai pas d'ouvrage à l'écurie.
    Le cuisinier :—Mais vous en avez de l'ouvrage, regardez donc Cadichon, qui n'est pas encore débâté, et qui se promène en long et en large comme un bourgeois qui attend son dîner.
    Le cocher :—Cadichon me fait l'effet d'écouter aux portes ; il est plus fin qu'il n'en l'air ; c'est un vrai malin.
    Le cocher m'appela, me prit par la bride, m'emmena à l'écurie, et, après m'avoir ôté mon bât et m'avoir donné ma pitance, il me laissa seul, c'est-à-dire en compagnie des chevaux et d'un âne que je dédaignais trop pour lier conversation avec lui.

     

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    Je ne sais ce qui se passa le soir au château ; le lendemain, dans l'après-midi, on me remit mon bât, on monta sur mon dos la petite mendiante ; mes quatre petites maîtresses suivirent à pied et me firent aller au village.

    Je compris en route qu'elles voulaient acheter de quoi habiller la petite. Thérèse voulait tout payer ; les autres voulaient payer chacune leur part ; elles se disputaient avec un tel acharnement, que, si je ne m'étais pas arrêté à la porte de la boutique, elles l'auraient dépassée. Elles manquèrent jeter la petite par terre en la descendant de dessus mon dos, parce qu'elles s'élancèrent sur elle toutes à la fois ; l'une lui tirait les jambes, l'autre la tenait par un bras, la troisième l'avait prise à bras-le-corps, et Elisabeth, la quatrième, qui était forte comme deux ou trois, les poussait toutes pour aider seule la petite à descendre. La pauvre enfant, effrayée et tiraillée de tous côtés, se mit à crier ; les passants commençaient à s'arrêter, la marchande ouvrit la porte.
    —Bien le bonjour, mesdemoiselles ; permettez que je vous aide.
    Mes jeunes maîtresses, contentes de n'avoir pas à se céder entre elles, lâchèrent la petite fille ; la marchande la prit et la posa à terre.
    —Qu'y a-t-il pour votre service, mesdemoiselles ? dit la marchande.
    Madeleine :—Nous venons acheter de quoi habiller cette petite fille, madame Juivet.
    Madame Juivet :—Volontiers, mesdemoiselles. Vous faut-il une robe ou une jupe, ou du linge ?
    Camille :—Il nous faut tout, madame Juivet ; donnez-moi de quoi lui faire trois chemises, un jupon, une robe, un tablier, un fichu, deux bonnets.
    Thérèse, bas :—Dis donc, Camille, laisse-moi parler, puisque c'est moi qui paye.
    Camille, bas :—Non, tu ne payeras pas tout, nous voulons payer avec toi.
    Thérèse, bas :—J'aime mieux payer seule, c'est ma fille.
    —Non, elle est à nous toutes, répliqua tout bas Camille.

    —Quelle est l'étoffe que prennent ces demoiselles ? interrompit la marchande, impatiente de vendre.
    Pendant que Camille et Thérèse continuaient leur dispute à voix basse, Madeleine et Elisabeth se dépêchèrent d'acheter tout ce qu'il fallait.
    —Adieu, madame Juivet, dirent-elles ; envoyez-nous tout cela chez nous, et le plus vite possible, je vous en prie ; vous enverrez aussi la note.
    —Comment, comment, vous avez déjà tout acheté ? s'écrièrent Camille et Thérèse.
    —Mais oui ; pendant que vous causiez, dit Madeleine d'un air malin, nous avons choisi tout ce qui est nécessaire.
    —Il fallait nous demander si cela nous convenait, reprit Camille.
    —Certainement, puisque c'est moi qui paye, dit Thérèse.
    —Nous payerons aussi, nous payerons aussi, s'écrièrent en choeur les trois autres.
    —Pour combien y en a-t-il ? demanda Thérèse.
    La marchande :—Pour trente-deux francs, mademoiselle.
    —Trente-deux francs ! s'écria Thérèse effrayée : mais je n'ai que vingt francs !
    Camille :—Eh bien ! nous payerons le reste.
    Elisabeth :—Tant mieux, cela fait que nous aurons aussi habillé la petite fille.
    Madeleine, riant :—Nous voilà donc enfin d'accord, grâce à Mme Juivet : ce n'est pas sans peine.
    J'avais tout entendu, puisque la porte était restée ouverte ; j'étais indigné contre Mme Juivet, qui faisait payer à mes bonnes petites maîtresses le double au moins de ce que valaient ses marchandises.

    J'espérais que les mamans ne les laisseraient pas faire le marché. Nous retournâmes à la maison ; tout le monde fut d'accord en revenant, ... grâce à Mme Juivet, ... comme avait dit innocemment Madeleine.
    Il faisait beau temps ; on était assis sur l'herbe devant la maison quand nous arrivâmes. Pierre, Henri, Louis et Jacques avaient pêché dans un des étangs pendant que nous étions au village ; ils venaient de rapporter trois beaux poissons et beaucoup de petits. Pendant que Louis et Jacques m'ôtaient mon bât et ma bride, les quatre cousines expliquèrent à leurs mamans ce qu'elles avaient acheté.
    —Pour combien d'argent en avez-vous ? demanda la maman de Thérèse. Combien te reste-t-il de tes vingt francs, Thérèse ?
    Thérèse fut un peu embarrassée ; elle rougit légèrement.
    —Il ne me reste rien, maman, dit-elle.
    —Vingt francs pour habiller un enfant de six à sept ans ; dit la maman de Camille ; mais c'est horriblement cher. Qu'avez-vous donc acheté ?
    Thérèse ne savait seulement pas ce que Madeleine et Elisabeth s'étaient dépêchées d'acheter, de sorte qu'elle ne put répondre.
    Mais la marchande, arrivant avec son paquet, interrompit la conversation, à la grande joie de Madeleine et d'Elisabeth, qui commençaient à craindre d'avoir acheté des choses trop belles.
    —Bonjour, madame Juivet, dit la grand'mère ; défaites votre paquet ici sur l'herbe, et faites-nous voir les emplettes de ces demoiselles.
    Mme Juivet salua, posa son paquet, le défit, en tira la note, qu'elle présenta à Madeleine, et étala ses marchandises.
    Madeleine avait rougi en prenant la note ; sa grand'mère la lui prit des mains, et poussa une exclamation de surprise :
    —Trente-deux francs pour habiller une petite mendiante !...

    Madame Juivet, ajouta-t-elle d'un ton sévère, vous avez abusé de l'ignorance de mes petites-filles ; vous savez très bien que les étoffes que vous apportez sont beaucoup trop belles et trop chères pour habiller une enfant pauvre ; remportez tout cela, et sachez qu'à l'avenir aucun de nous n'achètera rien chez vous.
    —Madame, dit Mme Juivet avec une colère retenue, ces demoiselles ont pris ce qu'elles ont voulu, je ne les ai contraintes sur aucun article.
    La grand'mère :—Mais vous auriez dû ne leur montrer que des étoffes convenables, et ne pas chercher à leur passer vos vieilles marchandises dont personne ne veut.
    Madame Juivet :—Madame, ces demoiselles ayant pris les étoffes doivent les payer.
    —Elles ne payeront rien du tout, et vous allez remporter tout cela, dit la grand'mère avec sévérité. Partez sur-le-champ ; j'enverrai ma femme de chambre acheter chez Mme Jourdan ce qui est nécessaire.

     

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    Mme Juivet se retira dans une colère effroyable. Je la reconduisis un bout de chemin en brayant d'un air moqueur et en gambadant autour d'elle, ce qui amusa beaucoup les enfants, mais ce qui lui fit grand-peur, car elle se sentait coupable, et elle craignait que je voulusse l'en punir ; on me croyait un peu sorcier dans le pays, et tous les méchants me redoutaient.
    Les mamans grondèrent les enfants, les cousins se moquèrent d'elles ; je restai près d'eux, mangeant de l'herbe, et les regardant sauter, courir, gambader. J'entendis, pendant ce temps, que les papas arrangeaient une partie de chasse pour le lendemain, que Pierre et Henri devaient avoir de petits fusils pour être de la partie, et qu'un jeune voisin de campagne devait y venir aussi.

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  • Commentaires

    3
    Jeudi 3 Février 2011 à 08:22
    Oo° Kri °oO

    J'ai bien plaisir à relire cette histoir

    Les photos sont de toi? ...

    2
    Mercredi 2 Février 2011 à 16:50
    yg86au fil des jours

    J'aime beaucoup la première photo avec l'âne culotté comme sur l'île de Ré autrefois afin de protéger les ânes des moustiques. Sur la dernière photo, il semble vouloir nous raconter lui même l'histoire.

    Bisous. Bonne soirée

    1
    Mercredi 2 Février 2011 à 13:04
    ZAZA

    Un peu de retard aujourd'hui mais toujours autant de plaisir. Bises et bonne journée

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