• La chasse du roi Arthur (3)

    Le festin était servi dans la pièce voisine dont les murs étaient de cristal de roche. De nombreuses dames y assistaient parmi les seigneurs chamarrés. Mais quoiqu'elles fussent toutes jeunes et belles aucune ne détourna l'attention de Jean-Marie. Il ne voyait qu'Isold assise à la table dont il occupait l'un des bouts. Il mangeait des chairs succulentes, buvait des vins doux et brûlants sans y trouver de goût. On lui eût coupé le doigt qu'il ne s'en fût pas rendu compte. Son être tout entier était accaparé par Isold. De son côté, la fille du Roi ne dédaignait pas de laisser son beau regard s'unir au regard adorant du gracieux damoiseau.

     

    Jean-Marie trembla de son audace. Comment osait-il lever les yeux sur une princesse que l'on disait fiancée au roi des Burgondes ? Il s'efforçait de s'intéresser à ses voisines empressées de lui plaire. Mais il crut s'apercevoir qu'Isold fronçait les sourcils et qu'elle fut un moment tête baissée au-dessus de son assiette d'or.

     

    Cependant, à un geste du Roi, les valets effleurèrent les quatre angles de la vaste pièce. Tout aussitôt une musique extraordinaire se fit entendre où l'oreille exercée du montagnard discerna le grondement des torrents, le souple friselis des sources, la mélopée des pins sous le vent d'hiver, le froissement des gentianes et des cyclamens, sous les brises d'été. Ce fut assez étrange pour le tirer de son amoureuse rêverie. Il voulut savoir d'où venaient ces sons dont il n'aurait jamais supposé qu'ils pussent ainsi se confondre pour le ravissement des sens. La belle dame qui était à sa droite parut heureuse qu'il lui adressât la parole mais très étonnée de sa question :

     

    Gorges de Thurignin

     

    - Comment ? s'écria-t-elle. Vous ne savez pas que les architectes qui ont construit ce palais l'ont fait de telle sorte qu'il suffit d'un déclic pour aller capter au fond des airs les ondes qui s'y reposent et celles qui s'y agitent au moment même ? A son gré, notre Roi peut, en hiver, réveiller et retenir le souffle léger des zéphirs d'août, en été, évoquer la monotone tombée des neiges.

     

    - Mais ces musiques, si différentes, quel compositeur les harmonisa, quel invisible chef d'orchestre les dirige ?

    La belle dame sourit en désignant les murs de cristal.

     

    - Regardez mieux ! dit-elle. Ecoutez mieux ! Vous vous rendrez compte que les sons frappant, comme un clavier, l'immense coupe de verre où nous nous trouvons, y forment les gammes inouïes qui vous émerveillent. Mais, dit-elle, je suppose que le vent soufflait fort ce soir sur la montagne ?

     

    - Très fort, Madame.

     

    Innimont ( col du Petit Perthuis )

     

    - Eh bien ! Examinez les cariatides qui supportent  le plafond.

     

    Jean-Marie ne se le fit pas répéter. Il contempla, d'un oeil avide, les douzaines de colonnes de porphyre qui montaient jusqu'au plafond de turquoises et de lapis-lazuli. Elles se terminaient par des bustes de femmes qui, de leurs bras en corbeille, soutenaient cette voûte aux teintes bleues de lac. La bouche des statues était entr'ouverte. Et voilà qu'il en sortit une mélodie en comparaison de laquelle celle des sirènes d'Ulysse dut n'être que jérémiade.

     

    - C'est la chanson du vent ! crut devoir expliquer la belle dame. Mais telle qu'on ne peut l'entendre qu'ici.

     

    Suite et fin bientôt.

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  • Commentaires

    2
    Dimanche 6 Mars 2011 à 08:37
    Oo° Kri °oO

    La nature est artiste complet, le soleil est peintre...le vent est musicien...

    Bon dimanche

    1
    Dimanche 6 Mars 2011 à 06:50
    dany

    salut ma Nath, c'est super ton article, c'est pas trop long (pour ceux qui n'ont pas beaucoup de temps....tu sais bien que je suis à la retraite !!!) et ça nous tient en haleine jusqu'à ton prochain article...

    bizzzzzzzzzzzzzzzzzz

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