• Le lac de Pluvis *

    Par une fin d’après-midi d’hiver, un pauvre hère, perdu dans les solitudes du Bugey, allait on ne sait où. Son seul souci, pour l’heure, consistait à trouver un asile pour la nuit et un quignon de pain pour calmer sa faim. Après avoir cheminé longtemps, son bâton à la main, il aperçut un village dont les toits couverts de neige scintillaient sous les derniers rayons du soleil. Il hâta le pas, titubant parfois, autant de fatigue que sous la poussée de violentes rafales de vent, et parvint devant la première maison.

     

    Il frappa à la porte et demanda poliment si l’on pouvait accorder l’hospitalité à un vieil homme, pauvre et égaré. Brutalement, et sans même entrouvrir l’huis, on lui répondit qu’il n’avait qu’à passer son chemin, qu’on ne recevait pas les paresseux. Il n’insista pas et s’adressa à la maison voisine, puis à une troisième, et à plusieurs autres encore. Partout, on lui fit la même réponse, accompagnée parfois de grossièretés. Pourtant, même si on ne le laissait pas entrer, il apercevait, à travers les fenêtres aux volets non encore fermés, certains intérieurs confortables, aux tables déjà garnies pour le repas.

     

    Alors l’homme se révolta, se mit à hurler que les gens du village n’avaient pas de coeur, étaient corrompus par l’argent, ne valaient pas des bêtes, et autres choses aussi aimables; le tout mêlé d’imprécations. Tout en criant ainsi, le vieillard se dirigea vers une falaise rocheuse auprès de laquelle il espérait trouver un abripour la nuit et allumer un feu pour se réchauffer.

     

    C’est alors qu’apparut une vieille femme qui avait entendu le mendiant s’exprimer si bruyamment. Elle s’avança à sa rencontre et lui offrit de le recevoir dans son propre logis, en l’occurence une grotte qu’elle habitait depuis des années avec sa vache ( grotte de la bonne femme ).

     

    L’homme accepta avec joie. Son hôtesse lui prépara un lit, lui servit le meilleur repas qu’elle pût lui donner, et quand ils furent tous deux à se réchauffer devant l’âtre, elle lui raconta que les gens du village avaient le coeur dur, ainsi qu’il s’était permis de leur dire. Elle ajouta qu’on la traitait de sorcière, de gueuse, bref que personne ne voulait la fréquenter. L’homme rassura la pauvre femme et lui dit qu’elle valait mieux que tout le village réuni.

     

    Le lendemain, quand la vieille s’éveilla, le mendiant avait disparu. Un peu plus tard, elle sortit de sa grotte, et crut rêver. Elle se frotta les yeux, mais dut se rendre à l’évidence : là où s’élevait, la veille, le village de Saint-Didier, il n’y avait plus qu’une nappe d’eau clapotante, un lac, aux eaux glauques.

     

    Bientôt accoururent les habitants des localités voisines, qui, consternés devant l’ampleur du désastre, ne cessaient de répéter :

    - Il n’y a plus de vie, plus de vie ...

     

    Et c’est ainsi que le lac de Pluvis fut baptisé.

     

    * "Légendes de la Bresse et du Bugey " Gabriel Gravier.

     

     

     Le lac de Pluvis était un lac situé entre Brégnier-Cordon et Izieu. Il a disparu en 1981 lorsque la CNR a creusé sur son emplacement un important canal alimentant la centrale hydroélectrique de Brégnier-Cordon.

     

    Aucune ruine n'a été découverte au fond du lac lorsque celui-ci a été asséché par la CNR.

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  • Commentaires

    3
    Mardi 15 Février 2011 à 20:42
    Martine27

    Bien fait pour les villageois, probablement un saint en vadrouille sur terre et qui n'a pas aimé ce qu'il a vu ! Un déluge en miniature

    2
    Mardi 15 Février 2011 à 08:09
    Oo° Kri °oO

    Voilà une punition sévère et radicale ...

    Merci pour cette légende (ou réalité?) Nathie

    1
    Lundi 14 Février 2011 à 21:25
    ZAZA

    Billet très intéressant ma Nathie. Bises

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