•  Dent du Chat

     

    Jadis un pêcheur vivait là. Il avait loué non loin du lac une modeste maison qu'il occupait avec sa femme et leurs cinq enfants. Touts les sept subsistaient grâce au produit de sa pêche, qui était très inégal. Quand il y avait abondance, le pêcheur vendait l'excès de poisson au marché. Et ce qu'il en tirait permettait d'acheter de quoi manger les jours de mauvais temps. Un matin, comme à l'accoutumée, le pêcheur partit de bonne heure avec sa barque. A midi, malgré ses efforts, aucun poisson n'avait mordu à son hameçon. Découragé, le malheureux leva les yeux et implora le ciel. Il promit de rejeter à l'eau, en signe d'offrande, le premier poisson qu'il attraperait. Il était persuadé que cela lui voudrait ensuite une bonne pêche.

    A peine avait-il fait cette promesse qu'il sentit mordre à son hameçon. Il souleva sa canne et tira de l'eau un énorme poisson. Il n'en avait jamais vu d'aussi gros. Aussi regretta-il sa promesse. Il garda le poisson et continua de pêcher. "Il sera toujours temps de rejeter le suivant si la pêche est vraiment bonne", pensa-t-il. Il attrapa alors un poisson encore plus gros que le premier. "Rejette donc celui-là", lui murmura sa conscience. Mais il fit la sourde oreille et lança encore sa ligne. Le fil se tendit aussitôt et la canne plia. Le poids était tel qu'il craignit qu'elle ne se brisât. Il tira de toutes ses forces et sortit du lac un gros chat noir qui se débattait. Il décrocha l'animal et le posa au font de sa barque.

    Il lança de nouveau sa ligne. Mais la chance avait tourné, car plus rien ne mordit. En fin de journée, le pêcheur rama jusqu'à la berge. A eux seuls, les deux poissons remplissaient son panier. Il saisit l'anse d'une main, sa canne de l'autre, mit le chat sous son bras et rentra chez lui en sifflotant. Sa femme le félicita pour les poissons, qu'elle se mit aussitôt à vider. Quant au chat, elle voulut s'en débarrasser. Mais les enfants s'y opposèrent et l'adoptèrent.
    Dès lors, le pêcheur n'attrapa jamais plus le moindre poisson ? Etait-ce le ciel qui le punissait de n'avoir pont tenu sa promesse ou jouait-il simplement de malchance ? Il s'obstina plusieurs mois et finit par abandonner. Il vendis sa barque et chercha un autre métier. Le hasard fit de lui un bûcheron. Le chat grossit et devint agressif. Il griffait sans cesse les enfants et il lui arrivait même de les mordre. Il fallut s'en séparer. Le père était superstitieux. Il n'osa le tuer par crainte de malédiction. Il mit l'animal dans un sac et l'emmena très loin dans la montagne. Là-haut il le lâcha et le chassa à coups de pierres. Puis il prit la fuite.

    Le chat ne revint plus chez l'ancien pêcheur. Mais il fit parler de lui dans la région. Il devint énorme. Il s'attaqua aux troupeaux, aux chiens et parfois même aux femmes et aux enfants. Les gens étaient terrorisés et n'osaient plus sortir. Le mauvais sort s'acharna sur l'ancien pêcheur. Il se blessa d'un coup de hache maladroit. Il perdit son emploi de bûcheron. Et un matin, on le retrouva égorgé devant sa maison, avec sa femme et leurs cinq enfants. C'était l'oeuvre du chat du lac. Ce dernier avait continué de grossir. Il avait atteint la taille d'une panthère. Et il s'attaquait sans crainte aux hommes les plus robustes. Il avait élu domicile dans une grotte, donnant sur le col qu'empruntaient les voyageurs se rendant au lac du Bourget. Il se jetait sauvagement sur eux et les dévorait. Mais il ne les mangeait pas tous puisqu'il ne s'attaquait aux voyageurs qu'a raison de un sur dix. Il en laissait donc passer neuf et mangeait le dixième.

    Les habitants de la région veillaient à ne jamais franchir le col en dixième position. Seules les étrangers ignorant l'habitude du chat étaient dévorés. Un jour, un soldat originaire du Bourget rentrait chez lui. Il prit le chemin du col. Des paysans l'informèrent qu'il était le dixième depuis la dernière victime du chat. Comme il avait hâte de rentrer pour retrouver sa fiancée, il décida d'affronter l'animal. Il était armé et courageux. Au détour du chemin, il aperçut le redoutable chat noir qui le guettait. Il fit halte, saisit calmement son arquebuse, visa et tira. Il toucha l'animal en pleine poitrine, lui arrachant un hurlement effroyable. Le militaire rechargea rapidement son arme, tira encore et atteignit l'animal en pleine tête. Le chat tomba à la renverse, roula sur les pentes abruptes de la montagne et disparut dans les eaux profondes du lac. Le soldat fut acclamé comme un héros et son exploit fêté dans tout le pays. C'est depuis ce jour que la montagne a été appelée Dent du chat.
     
    Dent du Chat

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  • Ce week end, je vous présente un four découvert à Grammont ( commune de Ceyzérieu, Ain ).

     

    Ceyzérieu ( Grammont )

     

    Ceyzérieu ( Grammont )


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    Au milieu du XIIIème siècle, Hugues de Montcarrat possédait le château du même nom, situé près de Crapéou, dans cette superbe vallée du Gland célébrée par les poètes. Il y résidait avec son épouse, la belle et vertueuse fille du comte de Groslée. Sans doute sa vie s’écoulait-elle heureuse, partagée entre les joies du foyer et les plaisirs de la chasse. Mais un jour, en dépit des larmes et des supplications de la tendre châtelaine, il dut partir pour la croisade de saint Louis, et fut capturé par les Sarrasins lors de la bataille de Mansourah.

      

    Comme nombre de ses compagnons d’armes, il connut la prison, les fers et toutes les misères des prisonniers. Las de cette captivité dont il ne voyait pas venir la fin, il accepta, pour sortir de sa geôle, d’abjurer sa foi et d’adopter l’islamisme. Puis, on ne sait à la suite de quelles circonstances, il épousa une princesse arabe, Samira, fille du cheik Abd el Nader el Morana, dont le nom nous semble bien précis pour un personnage appartenant à une légende !

    Il paraît que la belle était «capiteuse «. Sans doute aussi dut-elle s’attacher fortement au chevalier, puisqu’il put la convaincre de s’enfuir avec lui. On ignore les péripéties de leur évasion et de leur voyage de retour en France. Toujours est-il que notre renégat et sa brune et capiteuse conquêtearrivèrent un jour dans le Bugey, où d’autres Arabes - moins tendres - avaient déjà fait leur apparition quelques siècles plus tôt.

     

    Suivi de sa princesse orientale, le chevalier revint à Montcarrat et s’y installa. Les lois matrimoniales n’étant pas les mêmes en Bugey qu’en pays musulman, le croisé-défroqué - si l’on peut dire - relègua sa première femme au château de Châtillonnet, manoir couronnant un rocher à pic des bords du Gland. Le comte de Groslée protesta bien fort de cette façon d’agir vis-à-vis de sa fille, les seigneurs du voisinage prirent son parti et mirent Hugues au ban de la chevalerie; c’est tout ce que nous savons.

     

    La belle orientale vint-elle à mourir ? Regagna-t-elle le pays du soleil ? Nous l’ignorons. En tout cas, Hugues repartit à la croisade et rejoignit saint Louis sous les murs de Tunis. Après la mort du roi, on le fit revenir. Mais, déjà atteint de la peste, il trépassa le soir même de son arrivée à Montcarrat.

     

    Avant son départ pour Tunis, Hugues s’était-il réconcilié avec son épouse ? La dame se plaisait-elle mieux à Châtillonnet qu’à Montcarrat ? Quoi qu’il en soit, c’est dans le premier de ces châteaux qu’elle attendait le retour de son mari si peu fidèle. Elle l’aimait certainement beaucoup. Aussi, en apprenant sa mort, le désespoir l’envahit : elle se jeta dans le Gland et s’y noya.

     

    Depuis, quand sonne minuit au clocher voisin, une dame blanche apparaît parfois auprès du château, et se laisse glisser dans les eaux du Gland, ses longs cheveux flottant derrière elle. Quant à Hugues, son fantôme erre autour du manoir dont il chassa une tendre épouse.

     

     

     

     * " Légendes de la Bresse et du Bugey " Gabriel Gravier.

     

    Ces deux châteaux sont, aujourd'hui, en ruines, le château de Montcarrat à Conzieu, celui de Châtillonnet  à Saint-Bois.

     

     

     

     

     

     


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  • A Artemare, non loin d’une source qui jaillit au creux d’un rocher et ne tarit jamais, s’élève un oratoire qui attirait jadis de nombreux pélerins. Ce monument, très ancien, tomba en ruines, mais le curé du lieu le fit reconstruire et les pieux visiteurs revinrent. La source serait due à saint Martin.

     

    Artemare ( entrée du village )

     

    Artemare ( entrée du village ).

     

    Saint Martin, monté sur sa mule, arriva un jour près d’un village. Il faisait une chaleur torride, et le saint et la bête avaient grand soif et tiraient une langue plus sèche qu’une râpe exposée au soleil. Et pas une goutte d’eau le long de leur route. Martin, qui songeait peut-être alors aux tourments des damnés, rencontra enfin une femme qui portait une amphore pleine d’eau. Il demanda poliment un peu du précieux liquide, pour lui et sa monture. La femme refusa durement, disant que la source était loin. Le saint n’insista pas et s’éloigna en murmurant

    «Je laisse mon nom au village;

    A ma fête chacun paiera

    Très exactement son fermage.

    Rira bien qui dernier rira «.

     

    Au bout d’un moment, le saint homme voit venir,

     

    «Comme une autre Samaritaine

    Une fille aux longs cheveux noirs

    Qu’on eût prise pour une reine,

    Ses yeux ont la douceur des soirs»;

     

    Il l’accoste - voyez-vous ça ! - et la tutoie ! :

     

    «De grâce, donne-nous à boire !

    La jeune fille en rougissant,

    Au-dessus de son front d’ivoire,

    Lève les bras et saisissant

     

    L’amphore à l’eau frîche et limpide

    L’offre à Martin. Martin y boit,

    Dans un creux du chemin la vide

    Et sa mule boit par surcroît».

     

    Le saint remercia la jeune fille et lui laissa un beau cadeau: il fit jaillir du rocher voisin une source à laquelle la douce enfant put remplir son amphore. Qu’avait-il besoin d’attendre l’arrivée d’une jouvencelle, dirot certains; il pouvait opérer ce miracle avant, afin d’apaiser plus tôt sa soif et celle de sa mule ? Martin voulait trouver une âme charitable, avant d’accomplir son miracle.

     

     

    Au soir d’une journée glaciale, saint Martin arriva à Don. Comme il avait froid et faim, il frappa à la porte de la première maison qu’il vit. Une vieille femme riche refusa de le laisser entrer et le traita de vagabond. Il continua son chemin et trouva une pauvre chaumière. Là, il fut accueilli aimablement, partagea le frugal repas d’une famille de journaliers et put dormir quelques heures. Quand il s’éveilla, ses hôtes étaient au travail. Les deux époux mettaient la laine de leurs moutons dans un sac. Avant de partir, le saint remercia ces braves gens, et leur dit :

     

    - Ce que vous ferez avant le lever du soleil, vous continuerez de le faire toute la journée.

     

    Il s’éloigna sur ces mystérieuses paroles et le soleil parut pendant que chacun était à l’ouvrage. La laine envahissait la chaumière. Tant et si bien que, le soir, les pauvres gens étaient devenus riches.

     

    Bien sûr, le miracle fut connu de tout le monde et la vieille avare regretta amèrement d’avoir raté une si bonne occasion. Quand saint Martin revint au bout d’un an, la vieille rapace s’empressa de le recevoir lorsqu’il frappa à leur porte. Il fut soigné comme un coq en pâte. En s’en allant, il répéta ce qu’il avait dit aux gens des chaumières. Aussitôt, la vieille se mit à compter et recompter son magot. Mais elle dut interrompre ses passionnants calculs pour aller satisfaire un impérieux besoin.

     

    Malheur ! juste à ce moment-là, le soleil se leva. Et cette occupation «accessoire» devint définitive, puisqu’elle donna naissance au ruisseau d’Arvière ... qui coule toujours !

    

    Artemare ( le Séran )

     

    Le Séran, à Artemare ( Le ruisseau d'Arvière est son affluent ).

     

    * " Légendes de la Bresse et du Bugey " Gabriel Gravier.


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  • La légende du Bugey raconte que Bugia, compagne de Bel, fils de Japhet, petit-fils de Noé, a donné ainsi son nom au Bugey :

     

    Bel et Bugia ayant décidé leur départ, à la dispersion des petits-fils de Noé, Japhet s’avance à son tour pour les bénir et, par un fil, il suspend au cou de sa bru un sachet en peau de gazelle. "Portez-le", dit-il, "jusqu’à ce que vos regards embrassent le pays du rêve et du désir. Là seulement, vous l’ouvrirez pour en répandre le contenu sur le sol. Il renferme de précieuses reliques du Paradis terrestre et de l’Arche, qui ajouteront encore à la beauté et à la richesse du pays que vous aurez élu". Durant des mois, Bel et Bugia marchèrent dans une nature hirsute, broussailleuse, sans une fleur, dans le vent, les pierres, les sables. Or, un soir, presque épuisée, Bugia, gravissant une montagne, s’arrêta au sommet et s’écria : "Regarde !" Bel releva le front. Son visage se transfigura soudain. À ses pieds s’étendait une vallée sur laquelle, des hauteurs du ciel bleu se déversaient les flots de pierreries d’un splendide arc-en-ciel. La vallée était immense, fertile, charmante. "C’est ici, Bel, qu’il faut nous arrêter. C’est ici que je souhaite vivre". "Oui", dit Bel, "et nous l’appellerons de ton nom, Bugia". Et Bugia vida le contenu du sachet, les graines se répandirent sur le sol, les ceps s’enfoncèrent dans la terre…et le lendemain matin, le Bugey s’éveilla couvert de vignobles, d’arbres fruitiers, de pampres, de cerises, d’épis de blé, de fleurs, qui emplirent dès cet instant cette terre privilégiée.

     

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    Vignes à Parissieu.

     

    Artemare

     

    Champ de coquelicots vers Artemare.

     

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    Mon cerisier en fleurs.

     

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    Mon cerisier en ... cerises.

     

    Tournesol

     

    Tournesols à Brens.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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